Le magazine "Le Temps" m'a réservé une interview voilà deux semaines. En voici le contenu au cas ou vous n'auriez pas eu l'occasion de la lire. Si vous la trouvez intéressante merci de la diffuser auprès de vos amis.
-
En tant
que championne du monde et médaillée olympique, quel bilan faites-vous de la
participation du Maroc aux J.O. de Londres-2012 ?
De ce que je ressens de par les
réactions des citoyens dans la rue, il y a aujourd’hui unanimité nationale
autour du fait que le Maroc méritait de bien meilleurs résultats aux jeux
olympiques de Londres. On devait au moins nous maintenir à notre niveau.
Je suis souvent interpellé à ce
sujet et sincèrement je me sens mal à l’aise à répondre à cette même question.
Il y a eu pour la première fois
dans l’histoire du Maroc un effort budgétaire colossal mais qui hélas n’a pas
eu les effets escomptés.
Certains ont toujours dit que les résultats
dépendaient de l’argent, eh bien là la preuve est établie, l’argent ne fabrique
pas la performance sportive. Se sont des hommes et des femmes qui créent la
performance. Après Beijing les connaisseurs disaient déjà attention, on les a
traités de saboteurs.
Maintenant
disons attention pour Rio. A aujourd’hui, il n’y a aucun indice d’optimisme,
bien au contraire.
-
Les cas
de dopage se sont enchaînés pour les Marocains lors de ces JO. Quelle
explication donnez-vous à cela ?
Le dopage n’est pas un problème
que pour le Maroc. Il ya dans tous les pays du monde des sportifs qui sont
tentés par le dopage comme raccourci pour la performance et la
« gloire ». Les méthodes jusqu’ici utilisées dans la lutte se sont
avérées inefficientes, puisque malgré les sanctions très lourdes, il y a chaque
mois de nouvelles listes dopés.
Pour ce qui nous concerne, la
question a pris une dimension douloureuse par le fait qu’aient été touchés des
athlètes adulés par les marocains et sur lesquels on comptait beaucoup pour les
jeux olympiques. C’est ce qui a engendré cet aspect dramatique. Il ya eu de
nombreux cas durant la saison, sans que personne ne le relève.
J’en avais parlé en son temps et
cela m’a valu un communiqué insultant de la part de la fédération. Et dire
que j’appartiens et appartenu toute ma vie à cette institution… Qu’en
disent-ils aujourd’hui ceux qui ont rédigé et publié le dit communiqué?
Je connais personnellement les athlètes
aujourd’hui seuls dans le pétrin… Ils étaient avec nous à l’Institut National
d’Athlétisme. Ils avaient des qualités énormes et n’avaient nullement besoin de
quoi que ce soit pour réaliser des performances. Preuve en est qu’ils ont par
le passé justement réalisé des performances de très haut niveau sans se doper.
Cela me laisse perplexe. Que
c’est il passé vraiment ? Pourquoi sont ils arrivés non pas à se mettre en
infraction mais à y penser même? Qui les a mis sur cette voie ?
Beaucoup de questions se posent et devraient être élucidées, si on veut aller
de l’avant.
-
Vous
faites partie d’une génération d’athlètes qui ont fait la fierté des
Marocains. Où est la relève ?
Le Maroc était cité en exemple pour
la continuité justement parce qu’il avait crée un outil extraordinaire pour
cela : l’Institut National d’Athlétisme. Nous sommes tous le fruit du
travail fait dans cet établissement. Je me rappelle que chaque année de nouveaux
jeunes arrivaient et vite rentraient dans le moule et se mettaient au travail.
Il y avait une équipe de travail
extraordinaire avec des athlètes ambitieux, des entraineurs travailleurs, un
staff médical mobilisé 24 heures sur 24, une administration à l’écoute des
athlètes. Une ambiance tout simplement unique qui suscitait et excitait la
curiosité du monde entier.
La relève était bien là et
assurée de manière continue. D’ailleurs les athlètes dont vous entendez encore
parler aujourd’hui sont les tout derniers de cette période. Ceux qui ont
participé à Londres sont justement la dernière fournée recrutée à l’Institut au
début des années 2000.
Que c’est il passé depuis ?
Je ne suis pas capable de vous en dire plus.
Qu’est ce qui a fait que la machine se soit grippée ? Que sont
devenus tous ces jeunes au nombre très important pris en charge alors dans
leurs régions, sur lesquels on comptait beaucoup et qui semblaient avoir
un talent fantastique et une carrière toute tracée. C’est une question que je
me pose moi-même par les temps qui courent.
Je me rappelle avoir, avec
Hicham et Nawal été associée à une réunion chez Mr le premier ministre Driss
Jettou pour l’exposé final du projet de mise à niveau de l’athlétisme. Il y
avait beaucoup d’optimisme dans l’air. Qu’est devenu ce programme qui devait
placer le Maroc dans les 3 premiers pays du monde ?
C’est au gens aux commandes
d’assumer et de nous répondre à tous.
-
Qui est
responsable de ce que les analystes sportifs appellent «la décadence du sport
national» ?
Pointez du doigt tel ou tel
n’est pas le but. Ils se reconnaissent très bien eux-mêmes les responsables de
ce que vous appelez décadence. Le problème est que le système qui a donné des
résultats fantastiques par le passé ait été cassé. Vraiment dommage.
Ce qui importe aujourd’hui n’est
pas de désigner des responsables mais de sortir de la crise. Tous le monde sait
ce qu’il faut faire y compris ceux qui ont été la cause de ce qui arrive. Il
faut arrêter de tourner autour du pot.
Si le sport était important pour
le pays et je le suppose, alors faisons les choses comme il se doit sans plus
tarder. L’intérêt du pays doit primer.
La performance sportive a une
dimension affective extrêmement importante. On doit arrêter de se jouer des
sentiments des marocains et de leur affectif qui est fragilisé davantage à
chaque déception sportive.
-
Des
rumeurs laissent penser que vous pensez présider la Fédération Royale
Marocaine d’Athlétisme. Quel est le degré de véracité de cette
information ?
La question m’a été posée par un
journaliste. En fait jusqu’à cet instant là je ne me l’étais jamais posée
moi-même. J’ai été écartée comme la quasi-totalité de ceux et celles qui
pouvaient et peuvent apporter un petit plus à notre sport et je m’étais
résignée à penser que de toutes les façons, au Maroc, le sport ne sera jamais aux
sportifs. Comme si nous étions des incapables et des incompétents. Notre
réussite sportive s’était juste pour amuser la galerie…Maintenant qu’on a mis
fin à notre carrière, on se devait de vite débarrasser le plancher et laisser
d’autres profiter du fruit de notre labeur.
On dit de nous que nous n’avons
pas d’expérience, soit, quelle expérience ont ceux et celles qui tombent du
ciel dans un sport sans l’avoir ni pratiqué, ni étudié, ni même côtoyé ?
Quand je vois qui dirige le
sport ailleurs dans le monde, je me demande pourquoi ce n’est pas ainsi chez
nous. Sommes-nous sportifs marocains dépourvus de jugeote ?
Pour faire parti d’une
fédération il faut une légitimité elle ne peut et ne doit venir que de la
pratique ou des études.
Quelqu’un qui a pratiqué un
sport pendant près de 20 ans n’a-t-il pas cette légitimité ?
Je vous le dis clairement, je ne
suis pas de nature à me débiner. Si on me choisi pour cette mission ou pour
n’importe quelle mission dont l’objectif serait de servir mon pays et son
drapeau, je suis prête et c’est le cas de nombreuses autres personnes qui justement
ont cette légitimité manquant aux
autres.
-
Quel
est le souvenir, meilleur ou pire, qui vous a le plus marqué lors de votre brillante
carrière ?
J’aime bien répondre à une telle
question. En fait quand je suis venu à l’athlétisme c’était pour m’amuser et
m’occuper comme tous les enfants de mon âge. Quand on m’a fait comprendre et
que j’ai admis que j’avais un bon potentiel et que je pouvais faire parti du
gotha mondial, les choses ont changé. Depuis cet instant là j’ai vécu dans
l’angoisse de la performance. Tous les sportifs de haut niveau vous diront la
même chose. Si vous vivez cette angoisse de façon positive, alors vous progresser
et vous acceptez les sacrifices qui s’imposent. Aujourd’hui je puis vous dire
que c’est cette angoisse qui me manque. Les moments même douloureux dans leurs
contextes respectifs sont devenus d’excellents souvenirs.
-
Quelle
est votre actualité du moment ?
Je suis une femme heureuse et
comblée. Je m’occupe au mieux que je peux de mes deux Y : Yacine et
Yassir. C’est sa Majesté qui leur a choisi leurs prénoms respectifs. J’en sui
fière.
En parallèle et c’est là mon
quotidien, j’essaye humblement de me rendre utile par le travail que j’effectue
au sein de mon association « Femmes Réalisations et Valeurs ».
Ce qui me satisfait est de voir
sourire des enfants dans toutes les situations, de les voir fiers de ce qu’ils
sont, prendre conscience et être heureux d’être marocains, conscients de ce
qu’ils peuvent apporter à leur famille et à leur pays par le travail. C’est à
cela qu’œuvre l’association par la multitude et la variété des ses actions
quasi quotidiennes.
Vous me donnez là l’occasion de
remercier nos donateurs, sponsors, autorités, élus et nos membres pour ce
qu’ils nous apportent, pour leur soutien à l’association. Dieu leur rendra.
Bonjour Mme Nezha,
RépondreSupprimerMerci pour ce que vous faites, pour le sport et la femme... et comme vous dites effectivement, le système qui a donné des résultats fantastiques par le passé a été cassé... c'est bien dommage que des gens qui n'ont rien à voir avec le sport, prennent ses clefs.
Bon courage pour la suite.
Bien à vous,
Alae